samedi 20 juin 2009

Iran: Fin d'une autre aliénation?

Je ne le sais pas pour vous mais moi cette semaine, j’ai rêvé. Rêvé au point où je me suis rappelé le temps de mes études. Je ne sais pas si c’est cela qu’on appelle un coup de vieux? Il y a 20 ans, je pétrissais mon arrière-train sur les bancs de Polytechnique. Déjà à l’époque, je prenais plaisir à écrire dans le journal étudiant. À bien y penser, si ce n’est pas un coup de vieux, c’est peut-être un coup de nostalgie? Certains prétendent qu’il vaut mieux ne pas trop chercher à comprendre ce genre de chose. Poursuivons alors.

Coup de vieux, nostalgie ou pas, Qu’en sais-je? Par contre, je sais très bien que jadis, j’aimais écrire sur la nature humaine. J’aimais écrire sur cette drôle de créature. Créature plus drôle à des heures que d’autres. Drôle de créature parfois loin d’être drôle. Jadis, certains de mes collègues étaient sceptiques de ma façon de voir le monde. D’autres me regardaient du coin de l’œil. Mais que voulez-vous, comme disait l’autre, chasser le naturel, il revient au galop.

Il y a 20 ans, j’écrivais sur la chute du mur de Berlin**. Entre autres, j’interpellais le lecteur pour prédire le nom de l’Allemagne. De l’est, de l’Ouest, Unifié? Réunifié? L’Allemagne temporaire?... Par chance, l’histoire démontre que la réunification de ce bout de terre déchiré par deux idéologies n’a pas été que temporaire. Peut-être une preuve que l’humain est capable d’autres choses que des bêtises. Simplement dommage qu’il ne puisse en être capable plus souvent. À croire qu’après le corps, c’est l’esprit qui aurait besoin de sa p’tite pilule bleue.

Au temps de la mi-vingtaine, le mur de Berlin me paraissait être rien d’autre qu’une aberration. D’autant plus que le mur en question était plus âgé que ma propre constitution. Imaginez! Un mur qui vous empêche de vous déplacer d'est en ouest. Un mur qui de jour en jour, ternit le lever du soleil. Un mur qui à la longue, vous aliène… Nostal nostalgie!

Je vous parle de mes écrits parce que c’est ce à quoi j’ai pensé cette semaine. En voyant tous ces Iraniens manifester au risque de leur vie, je ne pouvais penser à autre chose. N’est-ce pas universel? La dignité? Le respect de l’autre? La liberté? Le droit de penser et de croire ce à quoi l’on veut bien croire? Universelle quoique curieuse universalité.

Que peut-on y faire? L’humain est ainsi fait. Vient un moment où il n’en peut plus de se taire. Vient un moment où il sort dans la rue pour exprimer ce à quoi il croit. Vient un moment où l’humain comprend qu’il doit passer à l’action. Vient un moment où il sait que son avenir dépend de son leadership. Mais encore faudrait-il qu’il sache qu’il en a. Parce que vient un moment où la seule issue, est de passer à l’action.

Aujourd’hui, je me demande combien de temps mon rêve va durer. Le leadership et le courage des Iraniens réussiront-ils à faire tomber le mur de l’intégrisme? Assisterons-nous à un bain de sang au style Tiananmen comme le craignent certains observateurs?

Une chose est sure, nous saurons d’ici quelques jours si l’Orientation du leadership permettra ou non, la fin d’une autre aliénation.



** Fin d’une aliénation (Texte publié en novembre 1989 dans le Polyscope)
L’Allemagne vous connaissez? Depuis quelques jours, de quelle Allemagne s’agit-il? De l’Ouest. De l’Est. De l’Allemagne unifiée? Ou pour être plus précis, de l’Allemagne réunifiée? À moins que ce ne serait que l’Allemagne temporaire.

Je vais cesser de m’attarder à trouver le nom de cette Allemagne car peu importe le nom que ce double bout de terre aura, le peuple sera toujours aussi stupéfiant. Stupéfiante la réaction de ce peuple. Stupéfiante et encourageante. Encourageant de voir un peuple se libérer d’une aliénation. Non pas que je suis anticommuniste, mais de voir des gens euphoriques, de voir des gens heureux comme des enfants, de voir ce qui semble une victoire d’un peuple au dépens de son aliénation. Alors oui, c’est encourageant.

Vingt-huit ans, ça vous dit quelque chose? En tout cas, c’est plus long que ma propre existence. Imaginez, vingt-huit ans à vivre à côté d’un mur. Non pas le mur de votre chambre, mais le mur de Berlin. Un mur, lequel on vous interdit de franchir. Un mur qui, de jour en jour, ternit le lever du soleil. Un mur qui vous enlève le droit de vous déplacer d’est en ouest. Un mur qui, à la longue, vous aliène. Une aliénation qui vous révolte et qui vous soumet. Soumission qui croît au rythme de votre révolte. Tout ça à cause d’un amas de pierres mal agencé. Un amas de pierres qui divise un peuple, une ville, qui divise l’individu. Un individu divisé entre sa patrie et son pays, un individu divisé entre sa liberté et l’autorité.

Et maintenant, imaginez que ce mur devient une banalité. Un mur qui ne devient que matériel après une multitude de manifestations et de pressions. Imaginez un mur que vous franchissez alors qu’il vous en a toujours été interdit. C’est bien assez pour être euphorique.

J’aimerais bien être en Allemagne ces jours-ci. J’aimerais bien voir la réaction de ce peuple en délire. Je suppose que la réaction de ce peuple est bien plus qu’une réaction de joie. Car ce peuple a réussi à faire en un temps record ce que bien peu de gens avaient imaginé comme possibilité.

Tout ceci rendu possible par l’émigration massive d’un peuple. C’est quand même beaucoup, deux cent mille personnes depuis le début de l’année. Et il faut ajouter les manifestations de plus en plus nombreuses. Cet événement est la preuve qu’un peuple dirigera toujours un pays. Il suffit qu’il le réalise pour qu’il réagisse.

J’ai de la difficulté à le croire, mais selon les informations véhiculées, il n’y avait pas de banane en Allemagne de l’Est. Je suppose que les dirigeants de ce peuple craignaient le retour aux origines des hommes de leur pays. J’imagine qu’ils craignaient que les gens réapprennent à grimper en mangeant des bananes.

Et maintenant, que va-t-il arriver dans cette fameuse Allemagne. Des élections libres vont avoir lieu? De vilains personnages vont simplement attendre que la pression retombe? Rusé celui qui prédira l’avenir de ce pays. Une chose est sure cependant, ce peuple sera maintenant moins aliéné. La société qui dirigeait ce peuple a été trop loin dans la manipulation de ce peuple, elle en a perdu le contrôle. Le numéro un est-allemand a dit que le parti avait appris une grande leçon qu’il n’oublierait jamais. Évidemment qu’il n’oubliera jamais. Comment oublier un tel événement? Comment oublier la perte d’un pouvoir abusif qui dure depuis trop longtemps. Espérons qu’à l’avenir, ce peuple ne se laissera plus aliéner.


Note : vingt ans plus tard, le mur de Berlin n’a pas été reconstruit. Toutefois, on en a construit un entre Israël et la Palestine. Comme quoi si la vie est un perpétuel recommencement, elle est parfois un malheureux recommencement. Ne reste plus qu'à regarder comment se concluront les événements en Iran.

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