dimanche 25 mai 2008

Dichotomie

Déjà une semaine que je trépigne d’impatience. Toute la semaine, j’ai eu l’impression d’être retombé en enfance. Comme si j’attendais la Noël. Vous souvenez-vous de l’époque où l’excitation prenait place dans tout le corps? On était là à tapoter et brasser les boîtes pour tenter de découvrir ce qui se cachait sous l’emballage. Déjà une semaine que j’attends les conclusions du rapport Bouchard-Taylor.

Toute la semaine je me suis demandé ce que MM Bouchard et Taylor pensent des relations entre les citoyens du Québec et ceux venus d’ailleurs. J’étais convaincu que je trouverais dans leur rapport quelque chose à dire sur le leadership. Et avec les fuites dont les médias ont parlé tout au long de la semaine, j’anticipais ma Noël avec l’eau à la bouche. J’allais trouver à dire, mais, que cela allait-il donc être?

Je m’attendais à quelque chose de juteux, croustillant, impertinent à la limite. Ce fut tout le contraire. Pour être honnête, je m’attendais à entendre des commissaires complètement déconnectés de la réalité. Je m’attendais à entendre des réponses de langue de bois. Vous comprenez, avec ce que les médias ont avancé au cours de la dernière semaine et avec les Hô! et les Ha! des politiciens de l’opposition, j’étais certain que les commissaires tenteraient de justifier l’injustifiable avec des propos sans queue ni tête.

Au jour J, un hasard, jeudi, je dois avouer que ma surprise fut totale mais pas pour les raisons que j’anticipais. Ô non! J’ai été surpris. Agréablement surpris. Pour revenir à ma métaphore, je dirais qu’on ne m’a pas donné le cadeau que j’espérais. On m’en a donné un plus beau! Oui plus beau parce que j’aime les gens nuancés. J’aime les gens qui sont capables de défendre leurs idées non pas par conviction subjective, mais par abstraction, par la raison, la sagesse.

Je ne connaissais ni Bouchard ni Taylor à l’exception qu’ils soient l’un historien et sociologue et l’autre, philosophe. Jeudi, à l’encontre de ce que j’anticipais, j’ai découvert des intellectuels accomplis. Des gens non seulement à la pensée cohérente et structurée mais des gens qui s’expriment avec humour. Des gens affables dans la controverse que les autres ont créée autour d’eux. Des gens qui proposent à l’autre de répondre sans se sentir diminué. Comme s’ils se disaient : "Tiens, elle est pour toi celle-là".

Bref, j’ai adoré entendre nos commissaires nuancer leur rapport. Et du point de vue du leadership, il y a une belle leçon à apprendre : on a beau avoir des idées cohérentes, on a beau avoir de la profondeur dans le propos, on a beau pouvoir apporter toutes les nuances nécessaires à notre façon de voir les choses, on ne peut faire adhérer les autres à nos idées si leur cœur n’arrive pas à comprendre ce que dit notre tête. En fait, on ne peut faire consensus si notre compréhension (tête) de la réalité ne concorde pas avec la perception (cœur) qu’en ont les autres.

Elle est là la controverse autour du rapport Bouchard-Taylor. Nos commissaires ont rationalisé les relations entre les Québécois et les immigrants. Ils ont conceptualisé la situation et ils l’ont nuancé par une analyse et une juxtaposition des éléments en présence. Leur travail est remarquable toutefois, ils ont omis de considérer les peurs, les craintes et les enjeux politiques des eux et des autres.

Le dépôt du rapport Bouchard-Taylor est le reflet de ce qui se produit souvent dans les organisations. Combien de fois des gestionnaires ont-ils présenté leurs nouveaux plans d’action avec conviction pour ne récolter que des réprobations? Si je me fie à l’engouement qui tourne autour du leadership, je dois conclure que cela arrive trop souvent.

La prochaine fois que vous ferez une consultation auprès de vos employés dans le but d’améliorer la dynamique organisationnelle, gardez en mémoire la commission Bouchard-Taylor. Surtout, n’oubliez pas que vous pouvez avoir les meilleures idées au monde pour résoudre une situation donnée. Mais si vos solutions ne tiennent pas compte des appréhensions (cœur) de vos employés, il y a de fortes chances que votre plan d’action (tête) ne crée, qu’une dichotomie.

dimanche 18 mai 2008

Prétentieux

60 ans! Pour certains, c’est l’âge de la retraite. Pour d’autres, c’est l’âge que jamais ils n’auront. Ailleurs sur la terre, sur une petite parcelle de notre grande planète, c’est la durée d’un conflit qui a fait des milliers et des milliers de mort et de victime. Il y a 60 ans, au tournant de la Deuxième Guerre mondiale, suite à l’extermination de plus 6 millions de juifs dans les camps de concentration, les Nations Unies ont créé de toutes pièces l’État d’Israël. On connaît la suite, 60 ans de guerre et de conflits. Certes, on ne refait pas l’histoire. Il serait toutefois inconcevable de ne pas apprendre des leçons qu’elle nous propose.

Non, je n’étais pas encore né il y a 60 ans. Non, je ne suis pas un stratège géopolitique. Non je ne suis pas un expert des conflits dans le monde. Et non, je ne suis pas juif, ni d’ailleurs musulman. Je ne suis qu’un individu qui s’intéresse au leadership. Je suis également un individu qui, comme bien d’autres, espère vivre dans un monde de paix et non de guerre.

Pourquoi la guerre ai-je un jour demandé alors que j’étais enfant. On m’a répondu que je n’avais pas à me demander pourquoi la guerre si je n’arrivais pas à m’entendre avec mon voisin. Une réponse trop simple pour l’enfant que j’étais à l’époque. Une réponse troublante pour tout adulte le moindrement intègre. Qui n’a jamais eu de conflits au cours de sa vie? Qui ne s’est jamais moqué d’un autre? Qui n’a jamais eu mal à partir avec un collègue de travail, un employé, un patron? Qui?

Évidemment, il ne serait pas réaliste de croire que l’on puisse aimer tous les gens qui nous entourent. Et loin de moi l’idée de préconiser ce genre de solution. Je ne vois pas dans la paix un message d’amour. Je vois dans la paix, le respect. Le respect des différences, le respect des croyances, le respect des idées, des intérêts. Le respect de la liberté de l’autre et vice-versa. Ce qui rend difficile le respect, c’est notre tendance à croire que nos idées sont meilleures que celles des autres

Il y a 60 ans, on a cru que l’on devait expatrier les uns pour rapatrier les autres. Il y a 60 ans, on croyait résoudre un problème. Il y a 60 ans, on a créé un autre problème. Il y a 60 ans, on n’a pas respecté les croyances de l’autre. Il y a 60 ans, on a cru que notre idée était meilleure que celle des autres. Il y a 60 ans on a pris à l’un pour donner à l’autre. Faut-il se surprendre que l’autre ne soit toujours pas d’accord?

Il y a 60 ans… À vrai dire, cela fait beaucoup plus de 60 ans que certains croient que leurs idées sont meilleures que celles des autres. Je n’étais pas encore né, mais je crois que depuis que l’humain pense, il se croit. Il est là le dilemme de la paix : se croire. Dilemme car au-delà des entorses à la paix, se croire est le moteur de l’innovation. Si l’on ne croyait pas en soi, on n’arriverait pas à faire quoique se soit. Le problème est que lorsqu’on croit, on risque de trop se croire.

George W. Bush nous donne un bel exemple d’un surplus de croyance. Je ne veux rien lui enlever. S’il est parvenu à se hisser à la Maison-Blanche, il doit avoir certains talents – ou beaucoup d’argent et beaucoup d’amis! Blague à part, indéniablement, Bush croit en lui. Dernièrement, il a toutefois démontré qu’il se croyait trop. Bush croyait pouvoir régler le problème Israël/Palestine d’ici la fin de son mandat. Il croyait pouvoir régler un problème alors qu’il ne s’y est attardé qu’au cours des derniers mois. S’il avait cru un peu moins en lui et plus au problème Israël/Palestine, il se serait mis à la tâche dès le début de son premier mandat en y consacrant tous ses efforts. Mais en moins d’un an, vouloir régler un conflit qui dure et perdure depuis 60 ans, c’est une utopie. Penser pouvoir régler en moins d’une année un problème qui a fait des morts et engendré la haine, ce n’est qu’une démonstration que trop se croire, mène à la prétention.

Ce n’est que de la prétention que de croire pouvoir régler un problème aussi complexe en un tour de main. Que de la prétention de vouloir dire, c’est moi qui ai réglé LE problème. De la prétention que de croire qu’on n’a pas à respecter les différences des uns et des autres. De la prétention que de croire que notre solution sera meilleure que celles des autres.

Les 60 ans d’Israël est une leçon d’histoire et de leadership. Les 60 ans d’Israël doit nous faire comprendre que le respect des uns et des autres est nécessaire pour que les solutions soient réelles et durables. Les 60 ans d’Israël prouve que la paix est impossible sans le respect de la liberté des autres. Les 60 ans d’Israël est une preuve qu’on ne peut se croire sans tenir compte des croyances de l’autre. Les 60 ans d’Israël nous fait voir qu’on aime être celui qui aura LA solution. Les 60 ans d’Israël est une démonstration que le leadership ne peut se développer lorsqu’on est prétentieux.

dimanche 11 mai 2008

Guerre de clocher

Déjà 400 ans que l’illustre Samuel posait le pied à Québec. Difficile d’imaginer plus belle occasion pour se mettre à la fête. En ce début mai, de La Rochelle aux plaines d’Abraham, le vent est dans les voiles pour que les célébrations commencent. Sortez vos ceintures fléchées et plus beaux atours afin de commémorer ce moment d’histoire. Partagez votre joie dans l’héritage de ces courageux navigateurs du passé. Soyez de la fête avec le bonheur que nous procure la terre d’accueil. Venez autour du feu où petits et grands chanteront, danseront, main dans la main à la mémoire de nos ancêtres.

Si la vie était comme ça, on n’aurait pas besoin… de politiciens! Au lieu de ce tableau idyllique, de Québec à Ottawa, on s’époumone sur l’odieux de la tournure des événements. Monsieur le Président, le 400e, c’est la fête de la ville de Québec et des Québécois… Monsieur le Président, comment se fait-il qu’on laisse la place… Monsieur le Président, c’est clair que le premier ministre n’a pas de… Leadership! Avez-vous dit leadership?

À l’ordre S.V.P.! Monsieur le Président… se pourrait-il que tout cela ne soit qu’une guerre de clocher? Monsieur le Président, pourquoi une guerre de clocher? Tout simplement parce qu’on a peur! Oui, on a peur. Peur de perdre la face. Peur de perdre de l’importance. Hô! Peur de perdre notre pouvoir d’influence sur les autres. Peur de perdre du territoire sur l’échiquier organisationnel. Ha! Peur de ne pas être en mesure de justifier sa raison d’être. Depuis près de 30 ans qu’on argumente sur la place du Québec dans le Canada. Pourrions-nous passer à autre chose?

Remarquez, je ne me considère ni fédéraliste, ni souverainiste. Je suis tout simplement quelqu’un qui, comme bien d’autres, croit qu’il serait plus avantageux de chercher des solutions pour les nombreux problèmes auxquels notre société est confrontée que de ressasser une sempiternelle crise identitaire. Autrement dit, pourquoi ne pas chercher des solutions à de réels problèmes au lieu de chercher des querelles sans fin?

Côté solution, j’ai aimé la réaction du maire de Québec, Régis Labeaume. Je devrais d’ailleurs dire agréablement aimé car j’avais entendu son nom à quelques reprises auparavant. Certes dans les médias, également lors des conférences que j’ai présentées à Québec. J’interagis à quelques occasions avec les participants et les gens m’ont parlé de leur maire avec un sourire en coin. Chaque fois, l’auditoire réagissait avec un rire bien senti. Sur le coup, je ne savais trop quoi en penser. Dans la controverse de La Rochelle, j’ai eu la chance de comprendre.

En fait, j’ai eu la chance de l’entendre réagir à l’insistance des journalistes pour qu’il commente la guéguerre de clocher. "Je peux comprendre que la controverse est bonne pour vos cotes d’écoute mais ce n’est pas moi qui va l’alimenter. Les gens de La Rochelle nous font un cadeau, pourquoi ne pas célébrer? Tout le monde a le cœur à la fête ici, je suis touché par leur générosité. Pourrait-on oublier la petite politique et prendre le temps de célébrer?" Il m’excusera si je n’ai pas rapporté ses propos mot à mot mais cela donne une très bonne idée de sa vision des choses.

Le maire Labeaume est un gars de terrain. Quelqu’un qui n’a rien à faire des guéguerres de clocher. Quelqu’un qui regarde les choses pour aller de l’avant et non pour tourner en rond ou alimenter des intérêts personnels. Je ne peux pas le juger sur l’ensemble de ses actions et décisions. Mais de l’extérieur, avec mon expérience des organisations, j’avoue sans réserve que l’attitude du maire Labeaume ressemble à celle que j’attribue aux réels leaders. Il ne fait pas dans la dentelle mais il ne se laisse pas aveugler par les Hô et les Ha des uns et des autres.

Je ne sais pas comment ça se passe dans votre entreprise mais par expérience, je suis certain qu’il y en a des Hô et des Ha. Il y en a un qui veut plus de budgets parce que son projet est meilleur que celui de son voisin. Il y a l’autre, qui veut plus d’employés parce que lui a son budget. Et l’autre encore qui veut plus d’espace parce que si les autres revendiquent, il doit le faire également s’il ne veut pas se faire damer le pion. Avez-vous déjà pris le temps de réfléchir à quoi servent réellement ces demandes territoriales? Ne jouez pas à l’autruche et surtout, sachez que les vrais leaders ne perdent pas leur temps dans des guerres de clocher.

dimanche 4 mai 2008

Insubordination!

Cette semaine, je dois avouer que l’actualité me laisse bouche bée, pantois. Le sujet est pourtant intéressant : l’insubordination. Mais l’histoire, on ne peut plus insipide. En fait, encore une fois, tout ce qu’on entend d’un côté n’est que du camouflage, de la diversion et de l’autre, de la politicaillerie de bas étage. Ce qu’a réellement fait Bruno Fortier, ex-délégué général du Québec à New York, on le saura au plus tôt, la semaine des quatre jeudis. Comme leadership, j’ai déjà vu mieux!

L’insubordination! On se croirait à la petite école alors que madame la professeure envoyait les petits comiques dans le coin pour réfléchir. Avouez que le parallèle est sympathique! Mais sincèrement, je n’en crois pas mes yeux, ni mes oreilles. À vrai dire, sous l’angle du leadership, il n’y a rien à comprendre. Un délégué général qui n’écoute pas ses supérieurs! ALLO! il y a quelqu’un? On ne parle pas d’un jeune ado dans son premier emploi. On ne parle pas d’un mal léché frustré de la société. On parle d’un individu qui devait représenter le Québec dans le plus important pôle économique de la côte est américaine. Leadership! Avez-vous dit leadership?

Souvent, les gens me demandent quel est le lien entre l’ingénierie et le leadership. À l’occasion, on me demande comment un ingénieur a-t-il pu mettre de côté sa profession pour s’intéresser au leadership. Le cas Fortier n’est qu’un exemple parmi tant d’autres et donne à ma réponse toute sa profondeur : À quoi cela sert de faire de la technique si le fond du problème relève de l’humain!

Je m’intéresse au leadership parce j’ai vu nombre de situations où les dirigeants en place n’étaient aptes à comprendre ce qui se passait réellement autour d’eux. Je m’intéresse au leadership parce que nombreux sont les gestionnaires qui n’arrivent pas à percevoir les jeux de pouvoir auxquels ils sont confrontés. Je m’intéresse au leadership parce que trop d’entreprises embauchent les mauvaises personnes. Le cas Fortier en est qu’un exemple de plus.

Bien sûr, les problèmes de leadership des organisations ne sont pas tous aussi critiques que le cas Fortier. Mais c’est un bel exemple du principe de Peter’s – s’élever à son niveau d’incompétence. Certains avancent que le poste de délégué général a monté à la tête de Fortier. Ça ne me surprendrait pas. Cela arrive assez régulièrement. Une fois élevés au niveau de cadre, certains deviennent tout simplement gagas. Par exemple, il y en a qui se transforment en maître de la délégation.

Cela m’est arrivé de voir un directeur prendre plus de temps à expliquer une tâche à faire que de la faire lui-même. Comble de la fainéantise, un jour, un autre m’a dit que je ne me comportais pas en directeur parce qu’à l’occasion, je transportais des boîtes au lieu de demander à mes employés de le faire! Curieusement, on ne voyait pas le travail d’équipe de la même façon. Cherchez l’erreur!

Des gens dont le titre leur monte à la tête, il y en a généralement un ou deux dans les entreprises. Et cela est bien dommage car leur attitude contamine l’ensemble de l’organisation. Leur présence nuit au développement d’une synergie forte et constructive. Et cela est facile à comprendre : personne n’aime faire le travail des autres, même si c’est un supérieur qui le demande. Les employés ne sont pas dupes. Ils sont capables de déterminer si leur supérieur délègue plus qu’il ne travaille. Lorsque les gens ont l’impression qu’on leur délègue des tâches que l’on pourrait faire soi-même, ce n’est qu’une question de temps pour qu’ils développent des sentiments négatifs face à l’équipe de gestion.

Est-ce que Fortier a rencontré sur son chemin une personne qui ne voulait pas s’en laisser imposer? Est-ce qu’on lui a passé une commande et laissé tomber lorsqu’on a réalisé que ça n’allait pas comme prévu? Est-ce qu’il a eu une main baladeuse? Est-ce qu’il est devenu la grenouille qui voulait être plus grosse que le bœuf?

Je n’en sais rien mais avant d’embaucher un gestionnaire, assurez-vous que c’est une personne compétente. Faites preuve de discernement sur l’attitude qu’il pourrait développer. Soyez certains de bien comprendre ses motivations. Et surtout, assurez-vous qu’il partagera les valeurs et la culture organisationnelle de l’entreprise. Parce que si cette personne cause de l’insatisfaction chez vos employés, les chances sont grandes pour que vous vous retrouviez avec un cas d’insubordination!