lundi 9 novembre 2009

Mur de Berlin: Entre les lignes

Il y a vingt ans (9 novembre 2009), le mur de Berlin tombait. Il y a vingt ans, j’étudiais à Polytechnique. Il y a vingt ans, mes passe-temps étaient la nage et l’écriture. Je nageais au CEPSUM et j’écrivais dans le journal étudiant, Le Polyscope. Vingt ans plus tard, j’ai encore du plaisir à nager. J’en ai tout autant à écrire.

Souvent je nage les vendredis soir mais ce week-end, j’ai dérogé à mes habitudes pour m’asseoir devant la télé. Je ne suis pourtant pas très télévision. Entre le sport et l’écran cathodique, le choix n’est normalement pas compliqué à faire. Mais ce vendredi, je ne pouvais manquer Une heure sur terre à Radio-Canada. L’ émission était consacrée au 20e anniversaire de la chute du mur. Les longueurs de piscine qui relaxent l’esprit et tonifient le corps pouvaient donc attendre.

Les longueurs pouvaient attendre car il y a vingt ans, la chute du mur m’avait inspiré la Fin d’une aliénation*. Quelques années plus tard, j’ai pris l’avion pour aller fouler le kilomètre du mur préservé. Ce qui m’avait permis de voir entre autres le bonhomme, gros nez, gros yeux, grosse bouche, grosses dents ainsi que d’autres incontournables dont le semblant de Checkpoint Charlie, le Reichstag en reconstruction, et les nombreuses grues affairées dans le No man’s land maintenant transformé.


Les longueurs de piscine pouvaient attendre parce que j’aime prendre connaissance de la façon que les autres vivent l’histoire. Lorsque cela entrecoupe mes questionnements, mes réflexions et mes souvenirs, c’est encore mieux.

Du reportage, j’ai aimé écouter ce gardien du Checkpoint Charlie qui expliquait où il se trouvait et comment c’était déroulé les événements le soir historique. "J’avais assez de munitions pour une guerre mondiale. On est peut-être bien une centaine, ils sont cinq cents milles. Qu’est-ce qu’on fait?... On aurait pu se demander si on allait utiliser des armes. La décision ne s’est pas vraiment prise. Il n’y a pas eu d’ordre. On nous a épargné ça… J’étais dans un état de transe. Un des gardiens c’est fait embrasser et un autre a reçu des fleurs. On aurait dû être morts… Je ne souhaite cela à personne. Je suis littéralement tombé dans le vide. Les autres sont presque tous partis. Mais moi je suis resté à la caserne. Jusqu’à la fin."

Il y a vingt ans, je terminais mon texte en exprimant un souhait: "Espérons qu’à l’avenir, ce peuple ne se laissera plus aliéner". Heureusement, le peuple de l’Allemagne n’a pas reculez en arrière en reconstruisant le mur. On ne peut en dire autant avec le peuple de la terre. Pour preuve, le mur entre Israël et la Palestine. Autre preuve, le mur entre les États-Unis et le Mexique.

Pourquoi les murs? Fondamentalement, la réponse est trop simple. Derrière la réponse, tout ça n’est qu’une question de contrôle. L’humain a une soif aliénante pour le contrôle. Une soif aliénante de pouvoir.

La commémoration du vingtième anniversaire de la chute du mur de Berlin est une belle leçon de leadership. La chute du mur de Berlin nous rappelle que l’humain a un désir insatiable de contrôler les autres. Bien entendu, un désir incompatible avec le leadership.

Plus important, la chute du mur de Berlin doit nous faire prendre conscience que l’humain a de la difficulté à apprendre de l’expérience des autres. Autrement, les autres murs n’auraient pas vu jour. Mais je sais que plusieurs expliqueront parce que ci et parce que ça. Les mêmes parce que ci et parce que ça que l’on retrouve dans nombre d’organisations.

La chute du mur de Berlin est une belle leçon de leadership. Parce que la meilleure façon d’améliorer son leadership, c’est de savoir apprendre de l’expérience des autres. La meilleure façon d’améliorer le leadership, c’est probablement de savoir lire entre les lignes.


* Texte publié le 20 novembre 1989 dans le journal étudiant de L’École Polytechnique de Montréal, Le Polyscope

Fin d’une aliénation
L’Allemagne, vous connaissez? Depuis quelques jours, de quelle Allemagne s’agit-il? De l’Ouest. De l’est. De l’Allemagne unifiée? Ou pour être plus précis, de l’Allemagne réunifiée? À moins que ce ne soit que l’Allemagne temporaire.

Je vais cesser de m’attarder à trouver le nom de cette Allemagne car peu importe le nom que ce double bout de terre aura, le peuple sera toujours aussi stupéfiant. Stupéfiante la réaction de ce peuple. Stupéfiante et encourageante. Encourageant de voir un peuple se libérer d’une aliénation. Non pas que je suis anticommuniste, mais de voir des gens euphoriques, de voir des gens heureux comme des enfants, de voir ce qui semble une victoire d’un peuple aux dépens de son aliénation, alors oui, c’est encourageant.

Vingt-huit ans, ça vous dit quelques choses? En tout cas, c’est plus long que ma propre existence. Imaginez, vingt-huit ans à vivre à côté d’un mur. Non pas le mur de votre chambre, mais le mur de Berlin. Un mur, lequel on vous interdit de franchir. Un mur qui, de jour en jour, ternit le lever du soleil. Un mur qui vous enlève le droit de vous déplacer d'Est en Ouest. Un mur qui, à la longue, vous aliène. Une aliénation qui vous révolte. Tout ça à cause d’un amas de pierres mal agencé. Un amas de pierres qui divise un peuple, une ville, qui divise l’individu. Un individu divisé entre sa patrie et son pays, un individu divisé entre sa liberté et l’autorité.

Et maintenant, imaginez que ce mur devient une banalité. Un mur qui ne devient que matériel après une multitude de manifestations et de pressions. Imaginez un mur que vous franchissez alors qu’il vous en a toujours été interdit. C’est bien assez pour être euphorique.

J’aimerais bien être en Allemagne ces jours-ci. J’aimerais bien voir la réaction de ce peuple en délire. Je suppose que la réaction de ce peuple est bien plus qu’une réaction de joie. Car ce peuple a réussi à faire en un temps record ce que bien peu de gens avaient imaginé comme possibilité.

Tout ceci rendu possible par l’émigration massive d’un peuple. C’est quand même beaucoup, deux cent mille personnes depuis le début de l’année. Et il faut ajouter les manifestations de plus en plus nombreuses. Cet événement est la preuve qu’un peuple dirigera toujours un pays. Il suffit qu’il le réalise pour qu’il réagisse.

J’ai de la difficulté à le croire, mais selon les informations véhiculées, il n’y avait pas de bananes en Allemagne de l’Est. Je suppose que les dirigeants de ce peuple craignaient le retour aux origines des hommes de leurs pays. J’imagine qu’ils craignaient que les gens réapprennent à grimper en mangeant des bananes.

Et maintenant, que va-t-il arriver dans cette fameuse Allemagne. Des élections libres vont avoir lieu? De vilains personnages vont simplement attendre que la pression retombe? Rusé celui qui prédira l’avenir de ce pays. Une chose est sûre cependant, ce peuple sera maintenant moins aliéné. La société qui dirigeait ce peuple a été trop loin dans la manipulation de ce peuple, elle en a perdu le contrôle. Le numéro un est-allemand a dit que le parti avait appris une grande leçon qu’il n’oubliera jamais. Évidemment qu’il n’oubliera jamais. Comment oublier un tel événement? Comment oublier la perte d’un pouvoir abusif qui dure depuis trop longtemps. Espérons qu’à l’avenir, ce peuple ne se laissera plus aliéner.
Guy-Michel Lanthier

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