dimanche 13 avril 2008

Jeux enjeux

Décidément, la tendance est au sport sur ce blogue qui pourtant, est dédié au leadership. Il n’y a rien de mal à joindre l’utile à l’agréable me direz-vous. Mais après deux semaines de hockey, je vous propose un sujet un peu plus chaud. En ce sens, jamais l’expression n’aura été si juste : il n’y a pas de fumée sans feu! J’ajouterais même, sans vouloir faire de jeu de mots, que le parcours de la flamme olympique est un sujet brulant d’actualité. Sujet brulant compte tenu de la répression chinoise au Tibet.

Que pensez-vous des manifestants qui demandent la fin de la violence contre les Tibétains? Que pensez-vous de l’appel au boycotte des Jeux olympiques, ne serait-ce que la cérémonie d’ouverture? Que pensez-vous du refus de la Chine d’ouvrir les portes de Lhassa à Louise Arbour, haut-commissaire de l’ONU pour les droits de l’homme, qui désire s’y rendre? Que pensez-vous du commentaire de la Chine qui, en réponse à Jacques Rogge qui rappelait à la Chine son engagement de faire avancer les droits de l’homme, a dit croire que le CIO respectait les Jeux olympiques et adhérait à la charte olympique (ne pas introduire de facteurs politiques)? Les problèmes internes à la Chine ne regardent pas le CIO! Que pensez-vous de la tergiversation de nombreux politiciens concernant leur présence ou non à la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques?

Évidemment, pour nous occidentaux, le respect des droits de l’homme est une valeur fondamentale. Le temps d’un Téléjournal, nous sommes désolés, parfois consternés, de voir les interventions de la Chine dans la province du Tibet. Le lendemain, on se lève pour aller au travail. Les problèmes de la Chine ne font alors plus partie de nos préoccupations immédiates. Parfois, au détour d’une conversation, on exprime notre désir que nos politiciens fassent quelque chose. On espère que dans les circonstances, ils feront preuve de leadership.

Pourquoi si peu de leadership de la part de nos dirigeants politiques alors que les droits de l’homme sont bafoués comme on n’oserait le penser? Pourquoi tant de retenue alors qu’il est clair que la répression chinoise bat son plein? Pourquoi si peu de leadership alors que des individus souffrent, sont déclarés prisonniers politiques ou perdent la vie?

Les événements qui se déroulent actuellement au Tibet permettent de mieux comprendre le leadership. Ils nous font comprendre que le champ d’action du leadership a ses limites. On a beau croire qu’un leader mobilise son entourage dans les plus beaux projets que l’on peut imaginer, les faits sont qu’en réalité, un leader est confronté à d’importants dilemmes.

Les événements en Chine nous font comprendre que même si le leadership dépend de nos valeurs, il ne peut s’exercer sans tenir compte de celles des autres. Les événements nous font comprendre qu’on ne peut exercer de leadership contre le gré de son entourage.

Lorsque les uns et les autres ne partagent pas les mêmes valeurs, lorsque les uns et les autres ont des visions diamétralement opposées, lorsque les uns et les autres ont leur propre agenda, l’exercice d’un leadership mobilisateur devient impossible. On tombe alors dans des jeux de négociation, d’intimidation, de provocation, de déclaration et de confrontation. On tombe alors dans ce que j’appelle les jeux enjeux, la limite du leadership. Les jeux enjeux, on les retrouve dans toutes les organisations.

La limite du leadership, la frontière des jeux enjeux, n’est pas la ligne tracée d’un crayon. Elle ressemble plutôt à une zone diffuse où les uns comme les autres tentent de faire valoir leurs points de vue. Une zone où les uns comme les autres jouent en tenant compte de leurs valeurs, leurs intérêts personnels et leurs objectifs organisationnels. Les Jeux olympiques à venir et la crise du Tibet sont un bel exemple des limites du leadership. Un exemple qui démontre qu’un leader ne peut faire preuve de leadership dans tous les domaines, ni dans tous les milieux.

Dans le cas de la crise chinoise, la majorité des pays sont mis sous silence par leur état de dépendance. Oui, leur étant de dépendance à la Chine; l’un des plus importants berceaux de la production manufacturière au monde. Et comme si cette domination manufacturière n’était pas suffisante, elle finance une partie de la dette américaine comme elle soutient l’économie de nombreux pays avec son appétit insatiable en matières premières.

Pourquoi si peu de leadership de la part des occidentaux face aux événements du Tibet? La réponse saute aux yeux : il n’est pas facile d’exercer du leadership lorsque les autres ne veulent rien savoir de notre point de vue. Pas facile d’exercer du leadership lorsqu’on ne partage pas les mêmes valeurs. Pas facile d’exercer du leadership lorsque dans les jeux d’influence, les enjeux sont diamétralement opposés. En fait, pas facile d’exercer du leadership lorsqu’on dépend de l’autre.

Par chance, la répression chinoise au Tibet n’a rien à voir avec ce qui se passe dans nos entreprises occidentales. Toutefois, elle nous permet de prendre conscience que le leadership qu’on exerce dépend de l’intensité des jeux et des enjeux présents dans nos organisations.

Pour exercer du leadership, vous n’avez pas le choix. Prenez le temps de comprendre les désirs des uns et des autres qui vous entourent. Soyez conscient des valeurs qu’ils véhiculent autour d’eux. Décortiquez ce qui se cache derrière leur agenda personnel. Après tout, votre leadership ne mobilisera jamais plus que les cartes que vous avez en main. Et ça, peu importe les jeux enjeux.

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