dimanche 12 avril 2009

Pouvoir et leadership

Quelle semaine mouvementée sous l’angle du leadership. Mouvementée au point où j’ai dérogé à ma règle de la chronique hebdomadaire. En fait, je ne pouvais passer sous silence les succès du maire Labeaume (Tremblay VS Labeaume part II) ni d’ailleurs le retour en force des TCA et autres syndiqués de la fonction publique (So! So! So! part II). Bien entendu, j’ai gardé le dessert pour ma chronique dominicale soit, la démission de la Ministre à la Sacoche, madame Monique Jérôme-Forget alias le syndrome de la pépine. Ce qui démontre qu’indéniablement, elle aura marqué l’imaginaire des Québécois.

Personnellement, j’étais perplexe à l’écoute des points de presse de Madame Jérôme-Forget mercredi dernier (en avant-midi à Québec, en après-midi à Montréal). Perplexe non pas pour ce qu’elle a dit. Perplexe en partie pour ce qu’elle n’a pas dit. Perplexe également en pensant que sa démission était peut-être due à l’effet du pouvoir sur le leadership. Sur ce point, il ne sert à rien de se le cacher, le plus grand obstacle au leadership est sans contredit, le pouvoir.

Un simple regard sur l’histoire de l’humanité nous fait réaliser que la recherche du pouvoir mène aux plus grands conflits que l’homme ait connus. Peut-être ne faudrait-il pas oublier que l’histoire s’écrit au quotidien.

Madame Jérôme-Forget l’a dit et je suis persuadé qu’elle a le désir d’être plus près de sa famille. Selon moi, un désir probablement plus grand pour ce qui est de ses petits-enfants, William, Louis et la petite Zoé. Toutefois, je serais curieux de savoir comment ce désir a pris forme. Pourquoi ce désir de rapprochement maintenant et non pas il y a 6 mois, avant la dernière campagne électorale? Madame Jérôme-Forget nous dit qu’elle voulait être là pour le dernier budget parce qu’il était important. Pourtant à l’automne dernier, elle disait qu’il n’y aurait pas de problème avec l’économie du Québec face à la récession.

Bien sûr, je comprends que le temps passe pour elle, et pour vous et moi d’ailleurs. Personne n’échappe à l’effet cumulatif du temps. Et plus le temps s’accumule, plus on a conscience du temps qui nous reste. Plus le temps passe, plus on a le désir de l’utiliser pour faire ce qu’on aime réellement. Je cite Monsieur Charest : "… Pour toi c’est une décision de vie. Une vraie décision de vie. Et ça me rappelle qu’avant la politique, il y a la vie."

Doit-on comprendre des propos de Monsieur Charest que Madame Jérôme-Forget a constaté au cours des derniers mois que la politique n’était plus compatible avec la vie, sa vie? Peut-être a-t-elle réalisé que d’agir pour déjouer les adversaires politiques, les médias, la population, que tout cela n’était plus compatible avec la vie, sa vie, auprès de ses proches?

J’imagine la petite Zoé : Grand-maman, le monsieur dans la télévision dit que c’est Jean qui a nommé l’autre monsieur à la CDPQ mais toi tu dois dire que c’est toi. Pourquoi il faut que tu dises que c’est toi grand-maman? Grand-maman, l’autre jour, un autre monsieur disait que tu caches des choses. C’est-tu vrai grand-maman que tu caches des choses? En plus l’autre fois y en un qui disait que tu contais des menteries dans les élections. Pourquoi tu contes des menteries grand-maman? Tu me dis toujours que ce n’est pas beau des menteries. Il faudrait que tu m’expliques grand-maman parce que là je ne comprends plus.

Je ne doute pas des bonnes intentions de Madame Jérôme-Forget à vouloir faire de la politique. Je ne doute pas qu’elle avait des idéaux. Je suis même persuadé qu’elle voulait contribuer à l’avancement de la société québécoise. Ce qu’elle a fait à sa manière que l’on aime ou non. Elle avait un franc parlé. Un cheminement de carrière extraordinaire. Elle avait tout pour réussir. Et elle ne manquait pas de détermination pour le faire. Mais j’imagine qu’un bon matin, elle a réalisé que ce n’était plus ça la vie.

J’ai l’impression qu’un bon matin, elle a réalisé qu’à trop vouloir faire progresser des idéaux, on commence à reproduire ce qu’on voulait défendre. À trop vouloir faire progresser des idéaux, on en vient à faire ce qu’autrefois on dénonçait. C’est probablement ce matin-là qu’elle a réalisé qu’avant la politique, il y a la vie.

Mais si ce n’était pas ça le problème. Si le problème n’est pas qu’avant la politique, il y a la vie. Si le problème était tout simplement que la politique nous fait perdre le sens de la vie. Si le problème était que perdre le sens de la vie nous fait perdre les valeurs propres à la vie. Si le problème était que perdre les valeurs propres à la vie nous donne la soif du pouvoir. Si le problème était que la soif du pouvoir nous fait prendre des décisions sans aucune considération à la vie à laquelle on aspirait au départ?

Vous connaissez mon adage : On veut des leaders à condition qu’ils fassent ce qu’on leur dit. On veut des leaders, à condition de garder le contrôle. J’ai l’impression que Madame Jérôme-Forget a démissionné parce qu’elle en avait assez de l’adage. Elle en avait assez d’aller au front pour tout ce qui se passe depuis l’élection de décembre dernier. Elle en avait assez de dire ce qu’elle ne croit pas ou ce qu’elle ne croit plus. Elle en avait probablement assez de dire, Zoé, n’écoute pas ce que les autres disent sur grand-maman. Tu le sais que ce n’est pas vrai, tu le sais que grand-maman est gentille avec toi.

Elle le dit elle-même, "Aujourd’hui, vous me voyez toute souriante et ce n’est pas un hasard." Et elle nous parle que ce n’est pas facile d’entrer en politique. Et que ce n’est pas facile d’en sortir parce qu’on a l’impression de laisser tomber des amis, etc. Curieusement, elle nous parle de décisions déchirantes avec le sourire. Soyons honnêtes, cela ressemblait beaucoup plus à un sourire libérateur qu’un sourire parce qu’on trouve la situation difficile.

Comme le mentionnait Madame Jérôme-Forget lors de son passage à tout le monde en parle, elle quitte le Québec pour le Mexique pour aller apprendre l’espagnol à raison de 5 heures par jour, 5 jours par semaine et pendant 5 semaines. Un 555 tout simplement parce qu’un 777 n’aurait fait aucun sens dans les circonstances. Mais au-delà de la formule gagnante, il faut comprendre que Madame Jérôme-Forget ne voulait tout simplement plus rien entendre de ce qu’on dira de son départ. Et elle n’entendra effectivement plus rien occupée elle sera à suivre les cours de la langue de son nouveau pays d’accueil. Comme je vous le disais, un sourire libérateur. Je ne suis quand même pas le seul à savoir lire entre les lignes!





Depuis la dernière élection, Madame Jérôme-Forget s’est fait malmener par tout ce qui arrive au gouvernement Charest. Depuis la dernière élection, Madame Jérôme-Forget est au front pour défendre le pouvoir de son gouvernement. Depuis la dernière élection, Madame Jérôme-Forget parle avec conviction de ce que personne ne croit. Depuis la dernière élection, la cote de popularité de Madame Jérôme-Forget pâlit comme neige au soleil. Depuis la dernière élection, peut-être que Madame Jérôme-Forget a pris conscience de l’incompatibilité entre le pouvoir et le leadership.

P.S : Vous doutez de mon adage : On veut des leaders, à condition qu’ils fassent ce qu’on leur dit. On veut des leaders, à condition de garder le contrôle? Dans ce cas, vous pouvez toujours vous demander pourquoi le député de Brome-Missisquoi, Pierre Paradis n’a pas accédé au cabinet sous les mandats de Jean Charest. Pourtant, Monsieur Paradis était et est toujours le député libéral avec le plus d’ancienneté au sein de son parti. À noter qu’il a été ministre entre autres du travail (’85-89) et de l’environnement (’89-94) alors que les libéraux étaient au pouvoir.

Toujours pas convaincu de l’adage? Dans ce cas, vous pouvez également vous demander pourquoi avant Madame Jérôme-Forget, il y a eu le départ des Messieurs Couillard (ministre de la Santé, Mulcair (ministre de l’Environnement) et Séguin (ministre des Finances). Comme je vous le disais, on veut des leaders, à condition qu’ils fassent ce qu’on leur dit. On veut des leaders, à condition de garder le contrôle. Ce qui démontre, encore une fois, l’incompatibilité entre le pouvoir et le leadership.

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